[LIBRE - Cours] Musique de cour et Cours de Musique

Si Théodore adore la musique quand il la joue, l'enseigner l'effraie tout à coup. Les élèves ne sont pas comme un public; ils chahutent, ils bavardent sans aucun sens critique. Et s'il avait affaire à des ados décérébrés? Des idiots confondant tam-tam et djembé? Le musicien ne peut donc s'empêcher en imaginant sa classe de stresser.

On lui a dit de ne pas paniquer: la clé, c'est de les intéresser. Un conseil qu'il compte bien suivre ardemment, même si l'académie en aurait pour son argent. La salle de classe est un véritable orchestre: chaque chaise a son propre instrument, et de dextre jusqu'à senestre, les élèves apprendront en jouant.

Au milieu de cet ensemble triomphale, Théodore se tient sur le piédestal. Sa baguette de chef en main et ses partitions devant lui, il attend non sans anxiété les premiers musiciens apprentis.

Seulement trois élèves? Voilà qui était un peu décevant pour un premier cours. Cela allait ressembler plus à une leçon particulière qu'à un vrai cours de musique dans une académie, mais soit. Le premier élève entra, et Théodore le salua d'un signe de tête. Hésitant, le jeune homme finit par se mettre devant une contrebasse. En voilà un qui aimait la difficulté. Le suivant entra, tout paniqué à l'idée d'être en retard. Théodore ne put s'empêcher de sourire, remarquant l'Osselait accroché à sa jambe.

"Ne vous en faite pas jeune homme, dans mon cours peuvent venir les Pokemons, dit-il en désignant son pupitre sur lequel était posé son Korillon. Ce dernier s'envola et se mit à virevolter en tintinnabulant en La. Il n'y a aucune raison pour que eux aussi ne puissent apprendre la musique et sa magie!"

Il se dirigea vers le jeune homme à l'Osselait, si bien qu'il ne vit pas le jeune blondinet entrer et se placer discrètement sur une chaise vide. Le professeur se pencha vers l'Osselait, visiblement rongé par la timidité.

Diapason se posa sur l'épaule de son maître, souriant de sa bouche étrange pour rassurer le pokemon. Le maestro fit un geste gracieux de la main en direction des grosses timbales au fond de la pièce.

Il rit en se tournant vers le premier élève à être entré.

Korillon se mit alors à tintinnabuler (j'adore ce mot '-') plus fort. Théodore leva la tête vers lui, et suivit le regard de son Pokemon. Il remarqua alors le blondinet sur sa chaise et sans instrument. De sa démarche gracile, il se fit quelques enjambées et se planta devant lui.

Gardant son sourire, Théodore retourna à son pupitre et regarda la petite assemblée.

Il est toujours amusant d'observer un néophyte tentant de produire un son avec un instrument qu'il ne connait pas. C'est à ça qu'on reconnaît l'ingéniosité (ou la bêtise) d'un élève. Le jeune homme qui avait choisi la contrebasse n'avait pas pris peine de prendre l'archer. Ceux pourquoi Théodore le remercia intérieurement, les lamentations du crin de Mamochon sur les cordes d'un instrument non maîtrisé étant une véritable torture auditive dont il se passait volontiers. Au lieu de ça, le jeune homme opta pour une approche un peu plus pizzicato, tenant la contrebasse telle une guitare. Soit il faisait du mimétisme, soit il avait déjà jouer de la guitare, mais au moins ça ressemblait à de la musique.

Le Maestro allait faire une remarque lorsque de la porte de la salle surgit une jeune demoiselle -la première qu'il croisait, pendant un moment il avait même cru que l'académie n'était pas mixte- qui se présenta à lui comme une violoniste et s'excusait du retard.

Théodore s'écarta un instant de la violoniste pour aller voir le flûtiste et son Osselait. Ce dernier s'en donnait à cœur joie sur les timbales, tant et si bien qu'il finit par taper son maître. Magnifique Do# que le crâne du jeune homme, soit dit en passant. Théodore soupira. Cinq minutes de cours et déjà un blessé? Sa carrière de prof commençait bien. Il s'approcha de la porte, tenait l'élève pour l'aider à avancer, et héla un surveillant dans le couloir.

Encore tout déboussoler par l'accident qui venait de se produire, il se dirigea vers son pupitre la mine soucieuse, Diapason tintinnabulant joyeusement près de lui pour le rassurer. Il se passa la main sur le visage et levant la tête vers les élèves en aperçu deux de plus. Et bien enfin. Le deuxième s'installa sans rien dire, mais le premier lui parla d'un air désinvolte. Il faisait sûrement grincer les dents du reste du corps enseignant, mais il en fallait plus pour énervé Théodore. Il sourit et le laissa s'installer sans rien dire, avant de s'adresser à tous.

C'est là qu'il remarqua enfin qu'il avait passé le triangle à son camarade. Soupirant mais gardant le sourire, il alla ramasser les massues que l'Osselait avait laissé par terre quand il avait accouru vers son dresseur et les tendit à l'ex-monsieur Triangle.

La démarche un peu moins gracieuse il retourna à son piédestal. Devant lui l'orchestre prenait à peu près place.

Chacun avait à présent ses instructions. [Ndla: Si c'est pas clair, pardon, au pire écoutez la chanson :P] La cacophonie de l'entraînement allait débuter. Le cor connaît, Pijako l'imitait et tenter de corriger le tir. Kira déchiffrait la partition, Korillon inculquait le rythme à son élève et Ravenscroft orientait les doigts du contrebassiste. Théodore lui surveillait la troupe et surtout le joueur de triangle du coin de l’œil. Il se préparait mentalement au douloureux exercice qui allait suivre, celui de la mise en pratique...

La douce mélodie d'instrument que l'on torture. Ce son si harmonieux qu'on rêverait d'être sourd plutôt que de l'entendre. La joie indicible d'un musicien face à ce spectacle, qui a l'impression de recevoir le Hurlement d'un Brouhabam qui aurait trop fumé. Théodore était spécialisé dans la musique Kalosienne, mais écouter un orchestre de Kanto qui s'accorde était pour lui une véritable torture. Et pourtant, là, il préférait endurer une heure d'accordement que les élèves qui tentaient de jouer de leur instrument avec parfois un peu trop d'entrain.

Et finalement, après un départ pénible, dans tous les sens du terme, l'ensemble pris forme. Une chance qu'ils soient si peu nombreux. La violoniste semblait légèrement rouillée, mais le violon c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas si facilement. Le rythme se mit en place, et enfin on avait quelque chose. D'un geste impérieux de la main, Théodore fit s'arrêter le groupe. Il laissa planer un silence de quelques secondes, un silence reposant pour ses oreilles. Il avait copieusement ignorer les remarques que lui avait fait le jeune homme à la contrebasse sur son Miaouss ou le blond au triangle l'ayant appelé par son prénom. Depuis un moment, il s'était concentré pour endurer le supplice attendu de débutants qui tentaient de jouer ensemble, et grand bien lui en avait pris. Il savourait donc ces quelques secondes de silence, avant de reprendre la parole.

"Vous devez, au fond de vous je l'espère, vous demander pourquoi une marche militaire. Et pourquoi enseignons-nous la musique dans une école de dresseur? En quoi des connaissances en la matière feraient de vous un vainqueur?"

D'un mouvement gracile il produisit de sa manche une Pokeball, d'où sortit Haitink, son Brindibou. Il vint se placer sur le pupitre et, une feuille en guise de baguette, fit un geste circulaire dans le vide. D'un mouvement unique, tous les Pokemons de Théodore sautèrent, volèrent ou lévitèrent pour rejoindre leur maître, en rang.

"S'il y a une chose que partage musique et combat, c'est un sens du rythme et une coordination sans faille. Chaque coup, chaque action, à son propre tempo pour que tout aille: et c'est pour vous apprendre ça que je suis là."

Il leva le bras dans un mouvement ample. Ses Pokemons se dressèrent -autant qu'ils pouvaient, surtout le Korillon- et quand Théodore baissa son bras, ils s'inclinèrent dans un ensemble parfait de synchronisation.

"La moindre fausse note, la moindre erreur dans votre tempo, et vous vous retrouvez derrière, bon pour le fiasco. Le début a été des plus compliqué mais au final, vous vous êtes surpassé. Vous vous êtes prouvez que même sans être rencontré, vous pouviez, tous ensemble, vous retrouvez synchronisés. Nous allons à présent corser un peu l'exercice, et j'aimerais que vous fassiez entrer vos Pokemon en lice. Nous allons refaire le même morceau, mais ce seront eux, les héros! Mademoiselle Kira, votre Pokemon, lui, aura une flûte traversière. Il jouera le même rythme que ses voisins de derrière. Sauf si vous me dites qu'il est capable de jouer du violon, sinon je me chargerais de cette partition!"